Depuis le début de l’année, les indices « actions » des grandes places financières sont orientés à la baisse, tranchant avec les hausses exceptionnelles enregistrées en 2021. Cette correction, prévisible, conclut une décennie paradoxale marquée par un faible taux de croissance et une récession sans précédent en 2020, provoquée par l’épidémie de covid-19. La digitalisation a succédé à la mondialisation comme facteur de hausse au sein des marchés financiers. Les politiques monétaires dites non conventionnelles, combinant d’amples rachats d’obligations par les banques centrales et des taux historiquement bas, ont également conduit à une appréciation, déconnectée des fondamentaux économiques, des actions et des valeurs immobilières. La résurgence de l’inflation, résultat des plans de relance post-covid et de la crise énergétique sur fond de liquidités abondantes, met un terme à cette déconnexion. Si le changement de cycle est toujours une source de désagrément, il offre la possibilité d’une meilleure allocation de l’épargne alors que les ménages comme les entreprises maintiennent des poches de liquidités impressionnantes. Quand les taux d’inflation étaient faibles, ce comportement, certes peu rationnel, s’avérait peu coûteux. Aujourd’hui, il est tout aussi irrationnel, mais il aboutit à accepter d’être soumis à la taxe inflationniste. Pour y échapper, les épargnants ont l’obligation de réduire leurs liquidités inemployées. En France, à la fin du premier semestre, chaque ménage avait, en moyenne, 17 000 euros sur ses comptes courants. Pour contourner les effets de la versatilité du marché des actions cotées, le private equity constitue désormais une solution accessible au plus grand nombre. De plus en plus de fonds sont éligibles aux contrats d’assurance vie ou au Plan d’Épargne Retraite. Autrefois réservé aux épargnants les plus aisés, le private equity souffrait par ailleurs d’une faible liquidité. Ce type de placement qui offre des rendements sur longue période attractifs tend à se démocratiser. Son caractère risqué peut être atténué par le recours à la mutualisation à travers la souscription de parts. À la différence d’acquisition d’actions cotées qui s’effectuent essentiellement sur le marché secondaire, celle concernant les actions non cotées peut financer directement le développement des entreprises. Il y a ainsi un lien direct entre l’épargne et la société qui en bénéficie. En France, les entreprises se financent traditionnellement par crédits bancaires, mais la hausse des taux devrait les inciter à privilégier le renforcement de leurs fonds propres. Cette nécessité se justifie d’autant plus que le digital et la transition énergétique imposent la réalisation d’importants investissements.
Au-delà du « Corporate », les épargnants peuvent de plus en plus facilement accéder à des produits autrefois réservés aux professionnels. Ainsi, après les ETF qui se sont popularisés ces dix dernières années, ils peuvent acquérir des couvertures de change, de taux, d’inflation ou accéder à des fonds d’obligations à haut rendement. La gestion déléguée qui se diffuse constitue une avancée. Elle permet un pilotage en temps réel des placements, l’épargnant évitant ainsi d’agir à contretemps.
L’inflation n’a pas que des défauts. En obligeant les épargnants et les investisseurs à sortir des sentiers battus, elle pourrait permettre à l’économie réelle de reprendre ses droits, l’innovation, la rentabilité prenant le pas sur la spéculation et les rentes.
Jean-Pierre Thomas